Itinéraire d’une sculptrice

Irmgard Sigg

22 février – 9 mars
Présentation de l’ouvrage avec des bronzes et des gravures

Quand j’ai quitté ton atelier, la première fois, une phrase sonnait dans ma tête avec l’insistance d’un titre : « Der Tod und Das Mädchen », La jeune fille et la mort. Quand je regarde l’ensemble de ton œuvre, différente d’apparence, mais travaillée sous un même mouvement qui s’attache à reconduire les grands étonnements de ton passé afin de les sublimer. D’année en année, il semble que l’inacceptable ait trouvé une place, pour être non pas accepté ni même compris, mais intégré à une vision générale du monde, où la part des violences subies trouve sa place – non comme une rédemption – mais plutôt trouve sa place non comme « passage » et une épreuve pour « être »: et de question en question, il faudra effeuiller l’opacité de l’énigme reconduite dans ton travail. […]

Devant tes dernières pièces, j’ai l’impression joyeuse que ces sculptures t’échappent. Parce que maîtrisées, elles sont bouquets et gerbes de tensions plastiques de sens résolus : figures épanouies d’une vie où les épreuves ont été surmontées. Elles ont l’allure de lutins germaniques qui auraient vécu dans une très ancienne forêt de l’extrême monde celtique, quelque part dans ton enfance, mais aussi fortement qu’elles désignent un territoire qui n’appartient qu’à toi, elles s’en échappent… Ces lutins sans traits, ni yeux, ni bouche sont comme des principes actifs de l’imaginaire, des forces vivifiantes comme à l’infinitif, à partir desquelles celui qui regarde rebondit de ton imaginaire au sien, se trouvent devant lui-même, comme devant un miroir qui l’interroge… La force de ces œuvres n’est pas d’exprimer, mais d’installer le spectateur en face de lui-même et de son propre imaginaire; cela est passé par toi, mais cela n’appartient plus alors qu’à celui qui regarde, et c’est leur force.

Ces lutins dansent, dorment, ou se battent, ils sont par deux, comme s’il fallait pour être un, se doubler à cet autre qui n’est jamais que l’ombre ou la lumière de soi-même, un autre et le même, un écho et la marque d’un rebond, une persistance épousée qui permettrait maraisse ce qui est pour moi la partie essentielle de chacune de ces qu’apparaisse œuvres : la forme battante d’un vide, qui marque comment les deux morceaux de leur unité tiennent en équilibre.

Et ce vide – une friction – : une fiction de l’unité trouvée.

— Alin Avila